encourir (to incur)

L’anglais « to incur » et le français « encourir » ont de toute évidence la même origine latine, mais leur évolution a été différente et ils n’ont pas aujourd’hui le même sens, ce qui en fait une paire de faux amis.

L’anglais to incur et le français encourir ont de toute évidence la même origine latine, mais leur évolution a été différente et ils n’ont pas aujourd’hui le même sens, ce qui en fait une paire de faux amis.

Comme l’indique clairement le Robert, en français, encourir, c’est « se mettre dans le cas de subir (quelque chose de fâcheux) » et non « subir ». Quand on encourt une peine, par conséquent, on ne la subit pas, on s’y expose. On finira peut-être par la subir, mais ce n’est pas le sens du verbe encourir.

Il en va de même pour des frais ou des dépenses. Encourir des frais, ce n’est pas avoir à les payer, c’est « se mettre dans le cas » d’avoir à les payer.

Or, si l’anglais to incur a aussi a priori ce même sens, en réalité il est très souvent utilisé pour signifier simplement « subir ». C’est tout particulièrement vrai quand le verbe est conjugué au passé. Par exemple, quand un site de l’Agence du revenu du Canada dit en anglais :

The amount that you can claim depends on when you incurred the loss.

il est clair qu’il s’agit d’une perte d’argent qui a bel et bien été subie et non qu’on s’est simplement exposé à la subir. La traduction française de ce site a donc bien raison de donner comme équivalent :

Le montant que vous pouvez demander dépend de la date où vous avez subi la perte.

Il serait impossible ici, selon moi, de dire la date où vous avez *encouru la perte, en particulier parce qu’il s’agit précisément de la date à laquelle on a perdu l’argent (et non à laquelle on s’est exposé au risque de perte de l’argent).

Ce qui est intéressant ici, c’est que les dictionnaires anglais que je consulte (Oxford, Merriam-Webster) ne semblent pas tenir compte explicitement de ce glissement de sens. Ils ne donnent comme définition que « to become liable or subject to », ce qui semble correspondre à la définition d’encourir en français. Il est vrai qu’ils disent aussi « to bring down upon oneself », ce qui semble décrire une situation déjà plus irréversible. Mais il me semble qu’ils devraient aller plus loin et traiter clairement to incur comme ayant deux sens distincts : un sens propre, qui serait le même que celui d’encourir en français, et un autre sens obtenu par glissement, dans laquelle la chose désagréable ou négative est plus qu’une éventualité à laquelle on s’expose et a bel et bien lieu.

Toujours pour cette même raison, dans le cas de dépenses, là où l’anglais dira expenses incurred, le français ne pourra pas utiliser *encourues et devra dire quelque chose comme dépenses engagées. Il s’agit en effet non pas de dépenses auxquelles on se serait exposé, mais de dépenses qu’on a eu à faire. La distinction paraît peut-être subtile, mais elle est importante, et les bons traducteurs savent éviter d’utiliser encourir en dehors des contextes (souvent littéraires) où le verbe est vraiment approprié.