D’où est-ce qu’il sort, celui-là ?
Tout d’un coup, depuis quelques années, on entend toutes sortes de personnes — les présentateurs de journaux télévisés, par exemple — parler de ministres qui « initient » des enquêtes, d’organismes qui « initient » des projets, etc.
Le français initier et l’anglais to initiate ont bel et bien en commun le sens propre d’admission à la connaissance de rites ou de cultes secrets ou religieux et à la participation à ces rites ou cultes.
Ils ont aussi en commun le sens figuré d’enseignement des rudiments d’un savoir, même si, en anglais, on utilise surtout to initiate pour les savoirs quelque peu obscurs ou difficiles, alors que, en français, on peut initier plus généralement quelqu’un à toutes sortes de savoirs, même s’ils ne sont pas particulièrement obscurs ni difficiles.
Et bien entendu, les deux mots viennent de la même racine latine, c’est-à-dire le verbe initiare qui signifiait proprement « commencer ».
Mais le sens très général que le verbe a aussi en anglais, qui est celui du verbe latin, à savoir « commencer », « entamer », « lancer » quelque chose (une initiative, un programme, une enquête, etc.) n’existe pas en français moderne. Ou plutôt, alors que ce sens figure en première place dans les dictionnaires anglais pour le verbe to initiate, en français, il est rélégué en fin d’article, et affublé du label « anglicisme ». Ainsi :
sera rendu non pas par :
mais par :
Le Grand Robert évoque l’« influence de l’anglais » et mentionne que le sens, en français, serait de « prendre l’initiative de quelque chose ». Mais il précise aussi clairement en note que de tels emplois sont « sans rapport avec le sémantisme du verbe français ». Et ce n’est sans doute pas un hasard si tous les exemples qu’il donne sont tirés de revues scientifiques.
Il me semble qu’il y a suffisamment de verbes français exprimant l’idée de commencement (commencer, débuter, lancer, entamer, déclencher, etc.) pour qu’on n’ait vraiment pas besoin d’en importer un autre, qui est de toute évidence un anglicisme. La seule raison que je voie est une certaine passivité face à l’influence de l’anglais et ce trait bien courant consistant à utiliser des mots anglais ou anglicisés pour essayer de se donner un air plus savant ou plus moderne.