Le cas du substantif chance est un peu compliqué, du fait de la polysémie du mot aussi bien en anglais qu’en français. Le substantif anglais chance a plusieurs sens apparentés mais différents et il en va de même pour le substantif français chance.
Le problème est que, s’il y a bien intersection entre les sens du mot en anglais et les sens du mot en français, ces sens ne se recouvrent pas et sont, au contraire, dans certains cas nettement distincts.
La première observation évidente est que le sens premier du mot chance en anglais est celui de « hasard » (sans orientation ni négative ni positive), tandis que le sens courant du mot chance en français est ce que les anglais appellent luck, c’est-à-dire un hasard heureux, d’orientation positive.
C’est pour cela que, quand l’anglais dit :
le français ne dit pas :
mais :
De même, lorsqu’un magasin indique que ses heures d’ouverture en dehors de la saison touristique sont open by chance or appointment, cela ne veut pas dire ouvert par *chance ou sur rendez-vous mais ouvert de façon aléatoire et sur rendez-vous. (On peut certes dire que, si vous vous rendez au magasin hors-saison et qu’il se trouve qu’il est ouvert, vous avez de la chance, mais on ne peut pas dire que le magasin est ouvert par *chance. C’est vous qui avez de la chance, pas le magasin.)
L’important à retenir ici est que, en anglais, chance ne signifie jamais « hasard heureux ». Si on veut préciser que le hasard est heureux, il faut utiliser un adjectif qualificatif et parler, par exemple, de lucky chance :
En français, cela donne :
ou bien tout simplement :
Mais cette première observation n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les choses se compliquent singulièrement du fait que, à l’origine, le substantif français chance avait un sens comparable à celui qu’il a gardé en anglais, à savoir celui de « hasard » (ni heureux ni malheureux). Et il a gardé ce sens dans un certain nombre d’expressions et d’usages qui suscitent une assez grande confusion pour les anglophones et les francophones en situation minoritaire.
En effet, dans certaines tournures, il y a bel et bien équivalence entre l’anglais et le français. Ainsi, quand on dit en anglais :
on dit bien en français :
En revanche, lorsque l’anglais dit :
il est hors de question de dire en français :
En français, on dira :
Inversement, lorsque l’anglais dit :
le français dit :
On notera ici l’adjectif bonnes, qui indique bien que, sans cet adjectif, chances a ici en français un sens neutre, comme en anglais. Les chances peuvent ici être bonnes ou mauvaises. (On notera aussi, cependant, que le français emploie ici le mot au pluriel et non au singulier.)
Pourquoi emploie-t-on le mot chance en français dans certains cas et pas dans les autres ? Parce que le mot garde en français l’idée de hasard, le caractère aléatoire. Or dans la phrase anglaise this meeting will give us the chance to meet with the parents, il n’y a plus de hasard. Au contraire, il ne fait aucun doute que la réunion nous donnera l’occasion de rencontrer les parents. Le fait de rencontrer les parents n’est ni un hasard heureux ni un événement plus ou moins aléatoire.
Cette différence entre l’anglais et le français est essentielle. Les francophones du Canada font toutes sortes d’erreurs avec le mot chance parce qu’ils l’utilisent dans ce sens anglais de « possibilité », d’« occasion » ayant perdu sa dimension aléatoire. Le mot français chance peut avoir un sens proche du sens de « possibilité », mais il s’agit toujours soit d’une possibilité favorable (guetter une chance de…) soit d’une possibilité aléatoire (au pluriel, avec bonnes, mauvaises, peu de, de grandes, etc.).
Il est indispensable de garder cette distinction à l’esprit quand on a un doute sur l’utilisation du mot chance en français. Et il faut se méfier de ce faux ami !
Une réflexion sur « chance (chance) »
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