Le passage de l’anglais au français pose souvent des problèmes liés à la coordination et à l’utilisation de prépositions.
Le cas qui m’intéresse aujourd’hui est celui de la coordination de verbes qui sont tous transitifs directs en anglais, mais dont les équivalents français ne sont pas tous transitifs directs.
Voici un exemple typique :
Les trois verbes anglais utilisés ici (to enter, to access et to manage) sont tous trois transitifs, de sorte qu’il est facile de les coordonner et d’éviter de répéter le complément d’objet direct (all this information).
Malheureusement, parmi ces trois verbes, deux ont un équivalent français qui est lui aussi transitif (to enter = saisir et to manage = gérer), mais l’équivalent français du troisième (to access) est un verbe transitif indirect : accéder à + quelque chose.
Que faire alors pour reproduire la coordination en français ? Il est impossible de calquer directement la syntaxe anglaise et d’écrire :
La règle générale en français dans le domaine de la coordination est en effet qu’il est impossible de coordonner des éléments hétérogènes. Lorsqu’on veut coordonner plusieurs éléments dans une phrase en français, il faut que ces éléments soient homogènes et se construisent de façon identique sur le plan grammatical. Comme accéder est transitif indirect et exige la préposition à et que saisir et gérer sont transitifs directs, la coordination telle qu’elle se présente ci-dessus est impossible. (On ne peut pas séparer la préposition de ce qui la suit.)
Il existe plusieurs solutions au problème, qui sont plus ou moins élégantes et naturelles en français.
La première consiste à tricher en changeant l’ordre des éléments coordonnés de façon à ce que l’élément qui exige une préposition (accéder ici) se retrouve à la fin de la liste et que sa préposition ne soit donc plus séparée du complément :
Pour moi, cependant, cette solution n’est pas acceptable, parce que, en français, cette structure implique que les trois verbes coordonnés se construisent tous avec la préposition à, ce qui est évidemment faux.
La deuxième solution consiste à respecter strictement la règle qui veut qu’on ne coordonne que des éléments compatibles et à répéter donc le complément deux fois :
Ce n’est pas faux, mais c’est malheureusement très lourd et maladroit et cela force aussi à changer l’ordre de la coordination, ce qui n’est pas toujours souhaitable.
La solution que je privilégierais ici est de remplacer le verbe transitif indirect accéder à par un verbe transitif à peu près synonyme. Dans ce cas particulier, je dirais quelque chose comme :
Le verbe consulter est ici, pour moi, à peu près synonyme d’accéder à. Je note d’ailleurs que l’anglais à tendance à utiliser le verbe to access plus fréquemment que le français utiliser accéder. Mon impression est que accéder est plus souvent utilisé au sens propre en français (celui d’un accès physique à un lieu), alors que to access est très souvent utilisé en anglais dans un sens figuré. (Les informations ne sont pas un lieu auquel on accède physiquement.)
Comme souvent, il faut donc ici oser s’écarte quelque peu d’une traduction littérale pour produire quelque chose qui est à la fois plus naturel et moins lourd en français.
Mais il faut bien aussi reconnaître que la solution proposée ici est propre à l’exemple particulier fourni. Il n’y a pas de solution universelle qu’on puisse appliquer dans tous les cas. Il est fort possible, par exemple, de rencontrer en anglais une phrase coordonnant des éléments hétéroclites pour lesquels il est impossible de trouver une série d’éléments homogènes correspondants en français. Après tout, il existe de nombreux verbes qui sont transitifs directs dans une langue et transitifs indirects dans l’autre. Ils n’ont pas tous des synonymes qui relèvent de la même catégorie grammaticale en français.
Dans ce cas, on retombe sur la solution précédente, qui oblige à faire des répétitions et à alourdir le texte. Il convient, cependant, d’éviter cette lourdeur dans la mesure du possible.