La rédaction d’un article complet examinant sous toutes leurs coutures les questions de langue relatives aux termes anglais efficient, effective, efficacious — que sais-je encore ? — et à leurs équivalents français exigerait un travail bien trop important pour moi dans le cadre de ce site. Je voudrais simplement signaler quelques points qui me paraissent évidents et qui semblent pourtant être trop pourtant ignorés par les locuteurs francophones influencés par l’anglais et en particulier par les traducteurs.
Tout d’abord, il est faux de penser que l’équivalent français d’effective est systématiquement efficace. Prenons l’exemple suivant :
Faut-il vraiment se précipiter ici sur l’adjectif français efficace pour rendre l’anglais effective ?
De mon point de vue, la réponse est non. Parler d’une communication « efficace » n’est pas faux en soi, mais décrit le phénomène sous un angle qui ne correspond pas nécessairement à ce qui se dirait le plus naturellement en français. Peut-on vraiment dire que la communication produit nécessairement un « effet » ? Pour moi, un phénomène comme la communication est quelque chose de plus complexe qu’un processus qu’on aborderait sous le seul angle de l’effet qu’il produit et, quand l’anglais utilise l’adjectif effective pour décrire la communication, il n’aborde pas nécessairement le phénomène sous ce seul angle.
La définition de l’adjectif effective en anglais est certes assez proche de celle de l’adjectif efficace en français, puisqu’elle dit qu’il décrit quelque chose qui réussit à produire le résultat attendu ou souhaité. Mais il me semble que, dans la langue courante, en anglais, l’adjectif met davantage l’accent, sur le plan sémantique, sur la réussite que sur le résultat, alors que l’adjectif efficace en français met plus l’accent sur l’effet et sur l’économie de moyens.
Du coup, je trouve qu’ils ne sont pas nécessairement équivalents. Dans un cas comme celui de la communication, dans l’exemple ci-dessus, on se s’intéresse pas exclusivement à l’effet de la communication et on ne l’envisage pas seulement sous l’angle de l’économie de moyens. Ce qu’on veut dire, c’est que les gens arrivent bien à communiquer entre eux, que la communication se fait bel et bien. Il me semble qu’il serait plus approprié de dire quelque chose comme :
En français, en effet, on parle plus naturellement de bonne ou de mauvaise communication que de communication efficace ou inefficace. La distinction peut paraître subtile, mais elle est à mon avis essentielle.
Et il y a — toujours à mon avis — de nombreux autres cas semblables, où, lorsque l’anglais dit effective, le français aura naturellement tendance à dire tout simplement bon ou bien. Du coup, recourir systématiquement à efficace en français me paraît maladroit et non naturel.
J’irais même plus loin. Il y a certains cas où l’équivalent français de l’anglais effective est tout simplement… rien du tout. Prenons l’exemple suivant :
Va-t-on vraiment utiliser efficace ici en français ?
Pour moi, la réponse est non et l’équivalent français d’une telle phrase est tout simplement :
Le fait même de dire ici n’arrive pas indique déjà l’idée de non-réussite qui est, comme je l’ai dit ci-dessus, l’aspect central du sens du mot effective en anglais. Il est donc redondant d’ajouter quoi que ce soit et à mon avis, dans ce cas-ci, l’emploi d’efficace en français est carrément une faute. On pourrait à la limite dire :
Mais cela me paraît redondant.
Comme je l’ai dit au début de cet article, il y aurait bien d’autres choses à dire sur la famille d’adjectifs effective, efficient, etc. avec leurs multiples dérivés (substantifs, adverbes, etc.) et leurs équivalents en français. Mais si on prend comme point de départ l’idée que l’adjectif effective ne se rend pas nécessairement par efficace en français, on fait déjà un grand pas en vue de préserver le caractère naturel de la langue française dans ce qu’on dit et ce qu’on écrit et d’éviter l’influence excessive de l’anglais.