Il arrive fréquemment que les structures anglaises construites à partir des conjonctions whatever, whomever, whichever, etc. soient rendues en français par une structure utilisant peu importe ou qu’importe.
Voici un exemple tiré, comme toujours, d’un site Web du gouvernement fédéral du Canada. L’anglais dit :
Et la page française correspondante dit :
Malheureusement, c’est une faute de traduction. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que, en français, peu importe ou qu’importe n’est pas une conjonction de subordination. Il s’agit d’une formule toute faite ou locution verbale qui se conjugue et qui sert à composer une proposition indépendante. Autrement dit, les propositions commençant par peu importe ou qu’importe sont des propositions principales et servent à former des phrases complètes.
Ainsi, en français, la locution s’emploie dans une phrase comme :
On voit bien ici que l’équivalent anglais de cette structure n’est pas quelque chose qui se construit autour d’une conjonction comme whatever or whichever. L’équivalent anglais de peu importe, c’est quelque chose comme no matter, I don’t care, never mind etc. :
Il suffit de rétablir l’ordre normal des termes de la locution pour comprendre : peu importe X est en fait une façon courante de dire X importe peu.
Et qu’importe s’analyse comme le pronom interrogatif que (au sens de « en quoi ») suivi du verbe importer et introduit soit une interrogative soit une exclamative (Qu’importe l’avenir ? Que m’importe ce qu’ils pensent de moi !).
Dans les deux cas, on a une phrase complète.
Pour rendre les structures anglaises utilisant les conjonctions whatever, whichever, etc., il faut utiliser en français les formules quel que soit, qui que soit, etc. Pour l’exemple donné plus haut, la traduction française sera donc :
Évidemment, les formules quel que soit, qui que soit, etc. sont parfois un peu délicates à utiliser en français, en particulier parce qu’il faut les accorder correctement. Mais ce n’est pas une excuse !
Certains seront sans doute tentés de rétorquer que, dans le dicton bien connu :
qu’importe ne semble pas former une phrase complète. Mais si on analyse soigneusement la phrase, on constate que la proposition introduite par qu’importe est la proposition principale et que celle qui est introduite par pourvu que est la subordonnée. Cela ne contredit donc pas ce que je dis ci-dessus et la phrase pourrait en fait très bien être simplement « Qu’importe le flacon ! »
Pour clore ce chapitre, je note au passage que le problème décrit ci-dessus s’étend à d’autres formules anglaises, comme regardless of, irrespective of, etc.
Voici un autre exemple tiré d’un site Web du gouvernement fédéral du Canada :
Et voici la traduction fautive en français :
La traduction correcte serait :
Et pour finir un exemple avec regardless of :
Sa traduction fautive :
Et la traduction correcte :
On note au passage que, dans ces deux exemples, l’auteur n’a pas accordé le verbe importer — avec mécanismes dans le premier et avec activités dans le deuxième —, mais, d’après le Robert, la locution peu importe ou qu’importe peut en effet rester invariable. La faute n’est donc pas là. Elle est dans le choix même de peu importe pour rendre regardless of ou irrespective of.