comment (how)

Article sur la fausse correspondence entre l’anglais « how » et le français « comment », avec plusieurs exemples pour illustrer les cas où le français utilise plus naturellement des tournures sans faire appel à l’adverbe interrogatif.

L’adverbe interrogatif how est vraiment utilisé à toutes les sauces en anglais et parfois dans des structures qui ne sont tout simplement pas naturelles en français. Prenons l’exemple suivant :

How do people behave in a professional learning community?

Étant donné la correspondance apparente entre l’adverbe interrogatif comment en français et l’adverbe interrogatif how en anglais, on risque de penser que la traduction d’une telle phrase en français va de soi :

Comment les gens se comportent-ils dans une communauté d’apprentissage professionnel ?

Une telle question n’est pas fausse en soi, mais elle n’est pas, selon moi, naturelle en français comme elle l’est en anglais. Pourquoi ? La réponse n’est pas évidente. Elle est peut-être liée à une préférence plus générale en français pour les formes nominales quand l’anglais privilégie les formes verbales.

Ainsi, dans le cas de la question ci-dessus, la formulation la plus naturelle en français est selon moi la suivante :

Quel est le comportement des gens dans une communauté d’apprentissage professionnel ?

Vous noterez que j’ai mis en gras non seulement le pronom interrogatif quel, mais également le substantif comportement. Pourquoi ? Parce que l’un ne va pas sans l’autre. C’est seulement en exprimant le concept de « comportement » — exprimé par un verbe en anglais (to behave) — par un nom en français (comportement) qu’on parvient à s’affranchir du recours à l’adverbe comment et qu’on obtient une structure plus naturelle en français.

Loin de moi l’idée que how ne se traduirait jamais par comment en français, bien entendu. Il suffit de mentionner l’exemple qu’on enseigne toujours aux débutants qui apprennent l’anglais :

How do you do?

La formule française correspondante est bien entendu :

Comment allez-vous ?

Mais je donnerai tout de suite un autre exemple, apparemment tout aussi simple, pour illustrer une nouvelle fois la différence possible entre les deux mots :

How are you feeling?

On pourrait penser qu’à une telle question correspond naturellement en français la question suivante :

Comment vous sentez-vous ?

Et ce n’est pas faux. Mais il est aussi tout à fait possible de dire, en français :

Que ressentez-vous ?

Ici, l’adverbe interrogatif en anglais ne débouche pas sur un pronom interrogatif et un substantif en français, mais sur un pronom interrogatif et un verbe.

Y a-t-il une différence de sens entre les deux questions en français ? C’est peut-être une question de contexte. La première est peut-être quelque chose qu’on entendra plus couramment comme formule de politesse, tandis que la seconde est peut-être plutôt une question qu’un médecin poserait à un malade, ou un examinateur au sujet d’un test — c’est-à-dire qu’on poserait quand on veut vraiment savoir ce que la personne ressent (au lieu de faire semblant de s’y intéresser, par politesse). Ou bien la première s’intéresse plutôt à des choses comme la douleur physique ou morale, tandis que la deuxième s’intéresse plutôt à des émotions, comme ce qu’on ressent lors de la contemplation d’un œuvre d’art.

Quoi qu’il en soit, ce que j’essaye de dire ici, c’est qu’il faut se méfier de l’anglais how et ne pas se précipiter systématiquement sur le français comment pour l’utiliser comme équivalent. Il y a des cas où l’équivalence existe bien. Il y en a d’autres où elle est moins évidente. Il y en a d’autres encore où elle n’est pas naturelle. Et il y en a d’autres enfin où elle est carrément trompeuse et où comment est à mon avis inacceptable en français.

Voici un autre exemple :

How does this explain your problem?

Il est inacceptable, à mon avis, de dire en français :

*Comment cela explique-t-il ton problème ?

Au lieu de cela, il faut dire :

En quoi cela explique-t-il ton problème ?

Pourquoi ? Parce que la question ne porte pas sur la « manière » d’expliquer, mais sur l’explication elle-même. C’est une nuance de sens un peu subtile, parce que, d’un certain point de vue, toute explication est une manière d’expliquer. Mais pour moi, la phrase en rouge n’est pas naturelle en français et est un calque trop évident de l’anglais.

Je dirai donc que, à certains égards, how et comment constituent une paire de faux amis et qu’il faut prendre l’habitude de s’en méfier et faire preuve d’une certaine vigilance dans l’emploi de comment en français.

Et je donnerai un dernier exemple pour terminer :

How did you empower your own employees?

Là encore, la traduction avec comment peut paraître évidente :

*Comment avez-vous renforcé les moyens d’action de vos propres employés ?

Mais pour moi elle n’est pas naturelle et la question qu’il faudrait vraiment poser est la suivante :

Qu’avez-vous fait pour renforcer les moyens d’action de vos propres employés ?

J’aurai l’occasion de revenir sur how et comment à plusieurs reprises sur ce site consacré aux faux amis, en particulier quand j’aborderai l’interrogative indirecte.

to have no idea

Problème concernant l’expression utilisée seule, mais aussi avec un complément prenant la forme d’une interrogative indirecte.

Dans le domaine des faux amis anglais-français qui sont des expressions et non des mots pris isolément, on trouve l’expression to have no idea. Il existe bien en français une expression utilisant la formule aucune idée, mais cette expression diffère de façon significative de l’expression anglaise sur le plan grammatical et syntaxique.

Pour commencer, prenons l’expression utilisée isolément. Mettons que quelqu’un vous pose une question, vous demande par exemple où se trouvent les clefs de la voiture. En anglais, vous pouvez répondre :

I have no idea.

En français, cependant, vous ne pouvez pas répondre :

Je *n’ai aucune idée.

Pourquoi ? Parce que, en français, l’expression se construit systématiquement avec un complément introduit par la préposition de. Si vous ne voulez pas répéter le complément, il faut donc au minimum utiliser le pronom en :

Je n’en ai aucune idée.

Les choses se compliquent lorsque le complément est explicité et exprimé sous la forme d’une interrogative indirecte :

I have no idea where the keys are.

Il n’est pas vraiment possible, en français (même si cela s’entend dans la langue familière), d’utiliser une tournure comme :

Je *n’ai aucune idée où se trouvent les clefs.

Et encore moins :

Je *n’ai aucune idée de où se trouvent les clefs.

La contraction n’arrange rien. La tournure suivante reste fautive :

Je *n’ai aucune idée d’où se trouvent les clefs.

Pourquoi ? C’est un problème qui relève d’une différence fondamentale entre l’anglais et le français pour ce qui est de l’emploi de l’interrogative indirecte. La grammaire anglaise est beaucoup plus flexible que le français et permet des interrogatives indirectes dans toutes sortes de contextes syntaxiques.

Par exemple, on peut dire quelque chose comme :

You have to make a decision about how you are going to get there.

Impossible en français de dire quelque chose comme :

Il faut que tu prennes une décision *sur comment tu vas t’y rendre.

Autrement dit, on ne peut pas combiner une interrogative indirecte avec une préposition qui ne peut introduire qu’un syntagme nominal. En français, on est obligé de tourner la phrase autrement, par exemple en rétablissant le verbe au lieu du nom d’action :

Il faut que tu décides comment tu vas t’y rendre.

Le retour au verbe, lequel peut se construire avec une interrogative indirecte, permet d’éviter le problème. On peut aussi remplacer l’interrogative indirecte par un syntagme nominal :

Il faut que tu prennes une décision sur la façon dont tu vas t’y rendre.

Le remplacement de l’adverbe interrogatif par un nom permet d’introduire une proposition relative et le tour est joué.

Pour revenir à to have no idea, comme l’équivalent français se construit avec la préposition de, il faut là aussi tourner les choses autrement. La solution est de remplacer l’adverbe interrogatif par un nom :

Je n’ai aucune idée de l’endroit où se trouvent les clefs.

Tous les adverbes interrogatifs peuvent ainsi se remplacer par des noms : comment par la façon de, par l’endroit où, pourquoi par la raison pour laquelle, etc. (Il y a évidemment plusieurs synonymes possibles.) Lorsque l’interrogative indirecte utilise un pronom interrogatif, la situation est légèrement différente. Ainsi :

I have no idea which car to choose.

Ici encore, il est évidemment impossible en français de dire :

Je n’ai aucune idée *de quelle voiture choisir.

Il faut alors dire quelque chose comme :

Je n’ai aucune idée de la voiture que je vais choisir.

Ou bien utiliser carrément une autre tournure :

Je ne sais pas quelle voiture choisir.

Pour récapituler, to have no idea tout seul se rend par n’en avoir aucune idée, avec le pronom en obligatoire. Et to have no idea suivi d’une interrogative indirecte introduite par un adverbe interrogatif se rend par une structure où l’adverbe interrogatif est remplacé par un syntagme nominal. Pour have no idea suivi d’une interrogative indirecte introduite par un pronom interrogatif, il faut modifier la structure de la phrase ou bien carrément changer d’expression.

Certains diront peut-être que je pinaille et que l’expression n’avoir aucune idée peut être considérée comme une expression figée à valeur verbale et donc utilisée comme ne pas savoir, directement avec une interrogative indirecte, sans de. À ceux-ci, je répondrai que, pour qu’une expression devienne vraiment figée, il faudrait qu’elle ne puisse plus changer de forme. Or, comme on l’a vu avec le tout premier exemple, quand elle est utilisée seule sans complément explicite, l’expression exige le pronom en, qui vient s’insérer avant le verbe(n’en avoir aucune idée). L’expression n’est donc pas si figée que cela et ne pourra pas vraiment le devenir tant qu’on continuera à exiger ce pronom. Je dirai donc que, en français soigné, il vaut mieux continuer d’éviter l’interrogative indirecte directement après idée.

Nous aurons par ailleurs l’occasion de revenir sur le problème de l’interrogative indirecte, qui est en elle-même une fausse amie, dans le cadre d’autres articles.