initier (to initiate)

Emploi largement inutile et injustifié du verbe dans son sens anglais (ou latin), qui n’existe pas en français moderne.

D’où est-ce qu’il sort, celui-là ?

Tout d’un coup, depuis quelques années, on entend toutes sortes de personnes — les présentateurs de journaux télévisés, par exemple — parler de ministres qui « initient » des enquêtes, d’organismes qui « initient » des projets, etc.

Le français initier et l’anglais to initiate ont bel et bien en commun le sens propre d’admission à la connaissance de rites ou de cultes secrets ou religieux et à la participation à ces rites ou cultes.

Ils ont aussi en commun le sens figuré d’enseignement des rudiments d’un savoir, même si, en anglais, on utilise surtout to initiate pour les savoirs quelque peu obscurs ou difficiles, alors que, en français, on peut initier plus généralement quelqu’un à toutes sortes de savoirs, même s’ils ne sont pas particulièrement obscurs ni difficiles.

Et bien entendu, les deux mots viennent de la même racine latine, c’est-à-dire le verbe initiare qui signifiait proprement « commencer ».

Mais le sens très général que le verbe a aussi en anglais, qui est celui du verbe latin, à savoir « commencer », « entamer », « lancer » quelque chose (une initiative, un programme, une enquête, etc.) n’existe pas en français moderne. Ou plutôt, alors que ce sens figure en première place dans les dictionnaires anglais pour le verbe to initiate, en français, il est rélégué en fin d’article, et affublé du label « anglicisme ». Ainsi :

The department initiated an assessment program in 1997.

sera rendu non pas par :

Le ministère a *initié un programme d’évaluation en 1997.

mais par :

Le ministère a lancé un programme d’évaluation en 1997.

Le Grand Robert évoque l’« influence de l’anglais » et mentionne que le sens, en français, serait de « prendre l’initiative de quelque chose ». Mais il précise aussi clairement en note que de tels emplois sont « sans rapport avec le sémantisme du verbe français ». Et ce n’est sans doute pas un hasard si tous les exemples qu’il donne sont tirés de revues scientifiques.

Il me semble qu’il y a suffisamment de verbes français exprimant l’idée de commencement (commencer, débuter, lancer, entamer, déclencher, etc.) pour qu’on n’ait vraiment pas besoin d’en importer un autre, qui est de toute évidence un anglicisme. La seule raison que je voie est une certaine passivité face à l’influence de l’anglais et ce trait bien courant consistant à utiliser des mots anglais ou anglicisés pour essayer de se donner un air plus savant ou plus moderne.

Le préfixe « co- »

Pas de trait d’union en français.

Le préfixe co- est un préfixe d’origine latine qui se prête relativement bien, en anglais comme en français, à la création de nouveaux mots. On trouve dans les dictionnaires français des mots comme coaccusé, coacquéreur, coauteur, coéquipier, copilote, etc. Dès lors qu’il existe l’idée d’une collaboration, d’un partage des responsabilités, d’une condition commune, il y a possibilité de créer un composé de ce type, même s’il n’apparaît pas dans le dictionnaire. Et le phénomène est le même en anglais.

Il y a cependant une différence de taille entre les deux langues : en français, le préfixe se construit sans trait d’union. (Je n’ai mis de trait d’union en faisant référence au préfixe lui-même ci-dessus que parce que c’est la convention lexicographique pour distinguer les préfixes des autres mots.)

Autrement dit, une tournure anglaise comme :

Mr. X and Mrs. Y are co-chairing the committee.

donnera en français non pas :

M. X et Mme Y. assurent la *co-présidence du comité.

mais :

M. X et Mme Y. assurent la coprésidence du comité

Comme les autres exemples mentionnés ci-dessus le montrent, il n’y a normalement pas d’exception à cette règle, même si le nom auquel on ajoute co- commence par une voyelle et même si cette voyelle est un o. (À la différence de l’anglais, il n’y a pas de risque, en français, que le oo soit mal interprété et prononcé [u].)

Malheureusement, il semble qu’on tolère de plus en plus, en particulier dans le domaine scientifique, la graphie avec trait d’union. Je trouve, par exemple, dans TERMIUM, pour co-polarization, à la fois copolarisation et co-polarisation, tous deux affublés du label « correct ». Cette tendance est très probablement due à l’influence de l’anglais et il est recommandé d’y résister autant que possible, surtout en dehors du domaine scientifique.

Il n’y a en réalité aucune raison ni de tolérer ni d’exiger ce trait d’union, qui ne correspond ni à l’histoire de la langue française ni aux dernières tendances en matière de simplification de l’orthographe, dont l’objectif est plutôt d’éliminer les traits d’union superflus et non d’en ajouter !