identifier (to identify)

Il est possible que l’anglicisme doit déjà si répandu que l’intrusion des emplois du verbe anglais dans la langue française soit irréversible. Mais en attendant la confirmation de ce phénomène, je recommande vivement de se méfier d’« identifier ».

Le verbe anglais to identify et le verbe français identifier forment une paire de faux amis particulièrement sournois. En effet, les deux mots ont bel et bien un sens commun, qui est celui de « déterminer l’identité de » quelqu’un (ou de quelque chose) dont l’identité n’est pas claire. Lorsque la police cherche à interpeller les auteurs d’un vol, par exemple, elle dira, en anglais :

RCMP seeking public’s assistance in identifying suspects in ATV theft.

Et en français elle dira :

La GRC sollicite l’aide du public pour identifier les suspects d’un vol de VTT.

On peut aussi chercher à identifier, non pas des personnes, comme les causes d’une maladie, la voix d’une personne, un certain type de plante, d’oiseau, un bruit mystérieux, etc. Dans tous ces cas, le noyau sémantique reste le même : l’identité de la personne ou de la chose est floue ou inconnue et on cherche à la préciser.

En revanche, à partir de ce sens premier du verbe to identify, l’anglais a construit toutes sortes de sens figurés où la notion d’identité est diluée au point de disparaître. Or ce phénomène d’extension lexicale du verbe n’a tout simplement pas d’équivalent en français.

Par exemple, quand l’anglais dit :

Labour market information can help you identify which jobs will be in high demand in the years to come.

on ne peut pas dire, en français :

Les informations sur le marché du travail peuvent vous aider à *identifier les emplois où la demande sera forte dans les années à venir.

En effet, il n’y a pas d’identité floue ici. Ce dont il est question, c’est un choix parmi un éventail de possibilités. On a une liste d’emplois et on cherche, parmi ces emplois, ceux dans lesquels la demande sera forte. Les différents emplois sont clairement identifiés. Ce qu’on ne sait pas, c’est s’il y aura une forte demande ou non dans chacun d’entre eux.

Ce qui fait la sournoiserie du phénomène ici, c’est qu’on peut certes, avec une logique un peu tordue, dire qu’il y a bel et bien ici quelque chose dont l’identité est floue : on sait qu’il y aura des emplois dans lesquels la demande sera élevée, mais on ne sait pas quelle est l’« identité » de ces emplois, c’est-à-dire de quels emplois il s’agit vraiment.

Mais il s’agit là d’une façon d’aborder la question qui ne correspond pas à la réalité lexicale en français, où l’on n’utilise identifier que lorsque ce qui est vraiment en jeu, c’est bel et bien l’identité de la personne ou de la chose.

Ce qui rend le problème plus délicat encore, c’est qu’il y a toutes sortes de verbes différents en français qu’on utilise pour rendre les sens figurés de to identify. Je vous invite à consulter ce rappel linguistique du Bureau de la traduction du gouvernement fédéral du Canada, qui porte précisément sur ce verbe. Les équivalents français proposés dans ce rappel linguistique sont très nombreux : déceler, définir, recenser, inventorier, cerner, discerner, établir, etc. Et la liste est loin d’être exhaustive !

Pour revenir à l’exemple ci-dessus, je dirais quelque chose comme :

Les informations sur le marché du travail peuvent vous aider à mettre en évidence les emplois où la demande sera forte dans les années à venir.

Mais ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres. L’important est d’éviter identifier, même si, comme le note le Bureau de la traduction, il s’agit d’un anglicisme très répandu.

Il est bien entendu possible que cet anglicisme doit déjà si répandu que l’intrusion des emplois du verbe anglais dans la langue française soit irréversible. Mais en attendant la confirmation de ce phénomène, je recommande vivement de se méfier d’identifier.